Des lectures, des rencontres, au fil des mois. Comme un trésor très subjectif qu'on ne cacherait pas

Lecture en cours…

« S’il me fallait expliquer ce que j’ai contre les images, je dirais qu’elles recèlent un mal commun, que je qualifierais d’amnésie euphorique : elles ne se rappellent pas ce qu’elles signifient, d’où elles viennent, à qui elles sont apparentées, et ne s’en sentent pas plus mal. Pour celui qui regarde (instance réceptrice qu’on ne sait plus comment appeler : le lecteur? le spectateur?), l’image semble faire plus et servir mieux. Son message parvient plus vite au destinataire, nulles vaines paroles, et surtout elle ne se lasse pas d’entrer en interaction avec lui : elle le stupéfie, l’accroche, le captive. L’image séduit par une illusion d’économie : là où le texte ne fait que dérouler les premières phrases, la photographie a déjà atteint son but, horrifiant, convainquant et cédant, magnanime, la place au texte qui – c’est entendu !- s’occupera des détails secondaires, racontant ce qui a eu lieu et où. »

Maria Stepanova, En mémoire de la mémoire, Stock, 2022, p. 73

« Mon but est, ici, d’opérer un rassemblement, puis d’effectuer un assemblage de traces dont aucune n’a été produite par le désir de construire l’existence de Louis-François Pinagot en destin, ni même de le désigner commun un individu susceptible d’en avoir un. En bref, il s’agit de recomposer un puzzle à partir d’éléments initialement dispersés ; et, ce faisant, d’écrire sur les engloutis, les effacés, sans pour autant prétendre porter témoignage. »

Alain Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Flammarion, 1998.

« Développer un projet censé être ancré dans un territoire sans connaître les ressorts de celui-ci, ses identités, ses récits, ses blessures, ses rythmes vitaux, le voue au « hors-sol », à la greffe qui ne prend pas. Connaître ne signifie pas se soumettre au « connu », mais comprendre « ce » qui demeure ici et maintenant, et comment, de manière furtive et homéostasique, se transforme en conditions de possibilités du réel à venir »

Cynthia Fleury & Antoine Fenoglio, Ce qui ne peut être volé, charte du Verstohlen, Tracts Gallimard, mai 2022.

« Je range encore assez souvent ma table de travail. Cela consiste à poser ailleurs tous les objets et à les remettra en place un à un. J’essuie la table de verre avec un chiffon (parfois imbibé d’un produit spécial) et je fais de même avec chaque objet. Le problème est alors de décider si tel objet doit ou non être sur la table (…).

Cet aménagement de mon territoire se fait rarement au hasard. Il correspond le plus souvent au début ou à la fin d’un travail précis ; il intervient au cœur de ces journées flottantes où je ne sais pas très bien si je vais m’y mettre et où je me raccroche à ces seules activités de repli : ranger, classer, mettre de l’ordre. »

Georges Perec, Penser/classer, Seuil, 2003.

Lecture en cours…

Nicolas Offenstadt, Urbex, le phénomène de l’exploration urbaine décrypté, Paris, Albin Michel, 2022